L’Exaltation du Corps : de Rubens au Bernin. Christian Loubet évoque ici la conférence qui devait
avoir lieu le 6 mai , » L’Euphorie » baroque
La résurrection
Après le Concile de Trente (vers l560), les Jésuites encouragent une « scénographie spectaculaire » traduisant une vision du monde optimiste à l’opposé de l’ascétisme des réformés.
Cet « appel aux sens » des fidèles, suscitera une spiritualité sublime à partir d’une impression sensible.
L’énergie vitale est manifestée comme traduction dynamique de la volonté divine dans le jaillissement des figures sur l’espace en trompe-l’oeil. La richesse des matières ainsi que la grandeur du décor contribuent à la splendeur du rituel.
La descente de la Croix
Entre 1610 et 1614, P.P. Rubens (1577-1640) trouve un style personnel, véhément et plastique qu’illustrent les triptyques pour la cathédrale d’Anvers. Le corps du Christ, livide, attire le regard et détermine le sens : chute dans le linceul d’un martyre exsangue au coeur de la nuit ou tension vers le ciel d’un athlète rédempteur.
L’éclat chromatique et le clair obscur se conjuguent pour donner au schéma une intensité maximum. Les scènes religieuses ou mythologiques prennent un aspect sensuel et dramatique.
Après huit ans en Italie, Rubens s’installe à Anvers en 1609 et épouse Isabelle Brant dont il aura trois enfants. Veuf, il se remariera en 1630 avec Hélène Fourment, son modèle de 16 ans (4 enfants). Riche et célèbre, il travaille pour les plus grands, notamment Marie de Médicis.
Vénus pleurant Adonis Enlèvement des filles de Leucippe
Les scènes mythologies prennent un aspect sensuel et dramatique.
Dans l’exubérance d’une nature chaleureuse, Rubens libère les pulsions et montre l’attraction des corps. Des figures féminines rondes et pleines offrent au regard la splendeur et l’harmonie de courbes et de sphères. La lumière les caresse, et les transcende.
Le Jugement de Paris Persée et Andromède
L’artiste, comme le berger Paris, admire la beauté des trois déesses. Comme Persée libérant Andromède, il débusque la beauté.
* Rubens, pieux catholique et bon père de famille, réinvente la peinture dont il dépasse les conventions et subvertit les codes… « Et le spirituel est lui-même charnel ».
Dans les sculptures mythologiques pour les Borghese (1622-25), le jeune Gian Lorenzo Bernini (1598-1680) dynamise les formes sensuelles dans un réalisme extrême, mettant en scène l’instantané. Des Dieux ardents enlèvent déesses, princesses et nymphes qui tentent de résister. Daphné échappe à Apollon en se transformant en laurier, grâce à la protection d’Artémis.
Le Rapt de Proserpine Apollon et Daphné
Le Rapt de Proserpine Fontaine des Fleuves
Le pape Urbain VIII lui confie (1598-1680) la Fabrique de St Pierre en 1629. Il organise la scénographie de la Ville de Rome, aménageant la colonnade de la Basilique, joignant églises et palais par des ponts garnis de figures sculptées. Il érige des fontaines sur les places. Père de onze enfants, il mourra à 81 ans milliardaire.
Pour la famille du Cardinal Cornaro, le Bernin réalise (1647-52) le décor d’une chapelle (7,3 x 3,5 x 13,5). En haut un ciel d’or est peuplé d’angelots. Au centre, sous un baldaquin, Thèrèse d’Avila transportée sur un nuage hors du monde des vivants, accepte la flèche d’un ange dans l’attraction d’un violent rayonnement divin. Orgasme mystique, lévitation = transverbération. Sur les côtés dans des loges, les Cornaro admirent le miracle.
« Je voyais donc l’ange qui tenait à la main un long dard en or dont l’extrémité en fer portait je crois un peu de feu. Il me semblait qu’il le plongeait au travers de mon coeur et l’enfonçait jusqu’aux entrailles. La douleur était si vive qu’elle me faisait pousser (des) gémissements. Mais la suavité causée par ce tourment incomparable est si excessive que l’âme ne peut en désirer la fin, ni se contenter de rien en dehors de Dieu » .
Thérèse d’Avila
Mausolée d’Alexandre VII La mort
Au sommet de son Mausolée, le Pape Alexandre VII (1655-1678) défunt prie et trône avec sérénité au dessus de la porte d’où surgit la mort (entre Vanité et Charité)
* Rendue sensible dans le marbre, la transmutation des corps montre alors la transcendance à l’œuvre, au-delà du réalisme, dans l’exacerbation des figures.Entre la vie et de la mort, il y aurait ce point sublime d’une jouissance de Dieu qui n’est pas un acte sexuel mais une fusion totale qui s’éprouve mais ne peut se dire, dont les mystiques, les poètes et les fous savent quelque chose.